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LES PUBLICATIONS DE BERNARD MOREL
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LES PUBLICATIONS DE BERNARD MOREL
6 juin 2016

SECONDE GUERRE MONDIALE 1939 - 1945

 LE DḖBARQUEMENT DU 6 JUIN 1944 EN NORMANDIE

SOUVENIRS D'ENFANCE !

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     En ce jour anniversaire du Débarquement des soldats Alliés du 6 Juin 1944 sur les plages de Normandie, mes souvenirs vivaces font resurgir quelques lointaines situations au petit garçon qui avait tout juste 11 1/2 d'existence ! Ainsi et après soixante douze années, j'éprouve beaucoup de plaisir à retracer cette mémorable et indélébile journée, tant elle restée ancrée au plus profond de mon coeur de gosse.

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UNE HEUREUSE PḖRIODE FERTILE EN ANNIVERSAIRES FAMILIAUX

      Auparavant, il m'est nécessaire de préciser que cette période concerne particulièrement ma famille, à plus d'un titre anniversaire et, que je m'en réjouis passionnément. Durant trois semaines et de façon chronologique, je me vois dans l'agréable obligation de formuler des Voeux d'Anniversaire à six de mes proches et de les assortir de gratifications substantielles ! C'est notre fille aînée Maryse qui ouvre la liste avec la célébration de sa naissance le 20 mai. Sa soeur cadette Anne lui succède huit jours après avec sa date anniversaire du 27 mai. Il s'ensuit l'anniversaire de notre dernier Petit fils Thibault qui se trouve fêté le 1er juin. Trois jours se passent et c'est au tour de ma charmante épouse Colette de fêter le sien le 4 juin. Quarante huit heures s'écoulent et c'est celui de notre seconde fille Isabelle née un 6 juin que nous célébrons gentiment. La liste s'achève avec l'anniversaire d'une très agréable jeune fille Lou née le 12 juin, l'une de nos quatre Petites Filles.

      Comme il est aisé de le constater, c'est pour moi une bien agréable période de satisfécit..., qu'il me faut compenser par quelques nécessaires économies pour combler tout ce gentil petit monde ! En ce qui concerne Colette, il est à noter qu'elle venait de fêter ses 10 ans, l'avant veille du magistral Débarquement ! 

      Au terme de cet aparté familial qu'il me fallait évoquer pour mieux restituer le climat dans lequel nous vivons durant cette période printanière ; le moment est revenu pour retracer cet événement capital de la Seconde Guerre mondiale 1939 - 1945  avec l'audacieux et pharaonique Débarquement des Troupes Alliées en Normandie le 6 juin 1944.

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Les premiers soldats alliés débarquant sur les plages de Normandie le 6 juin 1944

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L'ANNONCE DE LA STUPḖFIANTE NOUVELLE !

      En ce début de matinée du mardi 6 juin 1944, rien ne laisse présager un tel événement. La météo confirme un temps gris, nuageux et froid qui succède aux violentes tempêtes qui se sont développées les jours précédents sur la Manche et qui ont occasionnées un mer déchaînée à ne pas autoriser une telle audacieuse entreprise. Par ailleurs, les moyens de communications et d'informations sont rares et se résument aux deux médias connus pour notre région : Le quotidien du Journal de Rouen (actuel Paris Normandie) et le bi-hebdomadaire de La Vigie de Dieppe (actuelles Informations Dieppoises). Quant aux postes de TSF, ils ont été réquisitionnés dans les mairies sur ordre de l'occupant et seuls, les appareils qui ont été habilement cachés et disséminés peuvent apporter quelques éléments d'information. Mon père n'en possède pas et reste attaché à une lecture attentive des deux journaux précités. Il est à préciser que nos Parents restent aussi très discrets sur les problèmes de guerre, de crainte que des révélations naïves ou innocentes soient émises à mauvais escient. En conséquence, cette journée du 6 juin s'annonce comme à l'ordinaire et nous retrouvons nos petites habitudes.

    De façon similaire, nous avons bien entendu au cours de la nuit, le vrombissement des moteurs des forteresses volantes passant au dessus de nos habitations, mais nous y sommes tellement habitués que cela n'a pas éveillé les moindres soupçons de nos consciences. C'est donc la perspective d'une journée d'occupation normale qui se profile à l'image des précédentes.

      La rentrée des classes s'exécute selon les traditions de l'époque. Elle a lieu dans une salle de classe aménagée dans une des pièces de l'asile Poulard qui héberge des Personnes âgées. Elle est située près du centre bourg de Luneray. Les allemands ont réquisitionné notre confortable école pour s'en servir de casernement depuis plusieurs mois. En conséquence, ils nous ont contraint à occuper d'autres locaux sur l'ensemble de la commune. Dès la prise de fonction, notre Maître d'école M. Périmony ne laisse rien prévoir. Il est régulièrement informé des dernières nouvelles  par une personne habilitée de la commune, mais ne dit mot ! Il a l'air plus grave que d'habitude et nous apparaît plus soucieux et inquiet ? L'on n'y prête pas une attention particulière et l'on met cela sur le compte d'ennuis de santé ou familiaux. Il a ordonné des devoirs à chaque division et me charge de surveiller la classe durant ses absences momentanées. La récréation intervient à 10h25, comme à l'accoutumée. Durant ces dix minutes de pause, nous sommes toujours dans l'ignorance et l'on perçoit bien des allées et venues suivies d'âpres discussions. Elle se prolonge anormalement, puis nous sommes conviés à reprendre les cours vers 11h 00.

      En prenant un air grave, notre instituteur nous informe de l'événement majeur en ces termes : "Mes chers Enfants, il me faut vous informer du Débarquement des soldats Alliés sur les plages de Normandie ce matin, de très bonne heure. Il se situe sur la côte normande entre Deauville et Cherbourg.  Des instructions nous sont données pour que vous les respectiez rigoureusement. Elles nous demandent de vous libérer pour la journée et de bien rester sagement à la maison. Vous ne devez absoluement pas vous adonner à des gestes répréhensibles envers l'occupant allemand et d'attendre de nouvelles instructions. Tenez-vous à l'écoute pour l'accueil de demain matin. Et surtout, attendez prudemment en restant chez vous. Bonne rentrée et ne vous attardez pas en chemin !"

      Cette annonce fait l'effet d'une bombe et nous sommes tous atterrés par cette surprenante nouvelle. Il y a longtemps que nous l'attendions et nos sentiments sont partagés entre une extrême réjouissance et une profonde inquiétude. Ayant déjà une bonne connaissance de notre géographie et notamment régionale, nous constatons que les lieux de combats sont proches de nous, à une centaine de kilomètres environ. Nous savons déjà que la conquête des territoires se fera au prix d'âpres engagements guerriers et occasionnera assurément la mort de nombreux soldats dans les deux camps. Nous redoutons donc ces affrontements et sa perspective macabre, puis sommes apeurés pour tous ces jeunes soldats qui vont y laisser leur vie ! 

  Sainte Mère l'église     

Le parachutiste accroché à l'église de Sainte Mère L'église

 Soldats allemands 1943

  Avec quelques camarades, voisins de notre quartier, nous empruntons notre traditionnelle sente en respectant les consignes de notre Maître d'école. Quant à moi, il me tarde de connaître les sentiments de mes parents et notamment l'analyse de mon cher Papa sur l'événement attendu après cinq années de guerre et d'occupation. Quelque temps après, mon père rentre de son travail plutôt que d'habitude. Il nous explique ce qu'il a vécu et appris par ses échanges avec ses amis agriculteurs et les services de la mairie.

      En effet nous confie-t-il, il est parti en plaine de bonne heure pour profiter de la brève autorisation de retourner aux champs qui a été accordée aux cultivateurs pour quelques jours. Il voulait assurer certaines plantations potagères pour les besoins familiaux. En ce début de matinée du 6 juin 1944 et comme beaucoup de ses collègues, à peine sont-ils arrivés sur les lieux dans la plaine de Brachy, que les soldats allemands leurs interdissent l'accès "manu militari" et sans la moindre explication. Devant cette impossibilité et pour ne pas perdre sa journée, il décide de se rendre à la mairie de Luneray pour assurer divers transports de marchandises, comme il en était convenu. C'est en présence de ces hommes qu'il découvre toute l'étendue de ce qui vient d'être vécu au cours de la nuit et les premières attaques des soldats alliés pour reconquérir le territoire et sol français. Les nouvelles sont alarmantes car d'âpres batailles guerrières sur les plages normandes et pour escalader les falaises occasionnent de nombreuses pertes en vies humaines. Il nous précise que des informations contradictoires circulent et sont principalement relayées par les services mensongers de la presse allemande. Mon père continue son récit en révélant que les troupes allemandes affirment avoir repoussé les assaillants et qu'ils maintiennent toutes leurs positions. Avec ses collègues, il ajoute que leur analyse et jugement sont différents ou tout autre et que des nouvelles plus rassurantes confirment des "têtes de pont" solidement acquises et qui ne cessent de progresser. C'est ainsi que se trouve vécu l'ambiance de notre déjeuner.

      Au cours de l'après midi, je ne quitte pas mon père d'une semelle et l'accompagne dans ses travaux. Tout est prétexte à évoquer l'évolution de ce Débarquement du 6 juin 1944, qui semble revitaliser tous les esprits épris de reconquête ! En soirée, j'assiste mes parents dans leur traite des vaches, ce qui me permet de scruter les cieux pour essayer de percevoir le moindre détail au niveau aérien, mais ne découvre la moindre trace de ce débarquement. Au retour, j'apprends que les cours recommenceront dès demain matin par la voix de mon Maître M. Périmony, qui s'approvisionne en laitages dans notre fermette. Il désire échanger avec mon père qu'il apprécie beaucoup. A nouveau et près du jardin, ils prennent plaisir à analyser le déroulement de cette importante et capitale journée qui restera dans toute les mémoires et pour l'éternité.

      De notre côté, toute la fatrie se retrouve autour de la table pour savourer le dîner concocté par maman. Toute la conversation porte sur l'événement majeur de la journée et l'évolution de la situation dans les jours et semaines à venir. En fin analyste, notre père nous explique divers scénarios et comment pourrait évoluer la situation si les troupes alliées confirment leur progression régulièrement. Nous sommes accrochés à ses lèvres et je veux en savoir toujours davantage. Il se fait tard et l'école recommence demain. Maman nous convie à aller se coucher et surtout de bien dormir. Toutefois, nous serons bien agités et aurons beaucoup de mal à trouver le sommeil.

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Le vécu de l'année précédente

      Afin de mieux comprendre les activités de mon père, il faut restituer le contexte dans lequel il évolue chaque jour. Il possède une petite fermette de quelques hectares et quelques vaches laitières. Afin d'accroître ses modestes revenus agricoles, il assure divers transports pour ses congénères et les services communaux. Ainsi, il exerce des occupations régulièrement en plaine ou en service à l'aide de ses deux chevaux.  

       Au cours de l'année 1943, des décisions des États-Majors allemands ont exigé des agriculteurs de ne plus exercer dans les champs entourés par des barbelés et pourvus "d'asperges de Rommel", car ils sont strictement interdits aux civils. En effet, depuis près d'une année, les troupes d'occupation ont érigé des fils de fer barbelés en bordure des routes principales et surmontées d'affiches "Minen avec des têtes de morts" tous les 100 mètres. A l'intérieur de ces terres captives, la réquisition d'une main d'oeuvre française a été chargée de percer des trous dans le sol pour y introduire des poteaux en bois surélevés de 2,50 mètres au dessus du sol afin d'empêcher les planeurs anglais d'atterrir. L'élévation de tous ces poteaux répartis uniformément sur les parcelles leur assure une sécurité semble-t-il, contre la RFA ! L'idée en est le fruit du Maréchal Rommel, comme l'ont été les nombreux blockhaus érigés tout au long de la côte Atlantique pour retarder l'invasion des troupes alliées le moment venu !    

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           L'un des célèbres blockhaus dont l'idée émane du Maréchal Rommel

      Au cours des  mois de octobre et novembre 1943, les agriculteurs avaient été autorisés à ensemencer leurs champs captifs, puis à nouveau au printemps de 1944 pour une période de quinze jours. Aussitôt, ils s'étaient vus interdits d'accès pour assurer le suivi et l'entretien de leurs cultures. Par la suite, l'ensemble de semences et des plantations se sont développées au gré et bon vouloir de Dame nature et parmi les mauvaises herbes. Néanmoins, certaines pâtures accueillant les bovins et situées en bordure des habitations continuaient d'être accessibles. Mon père s'activait donc à ces travaux domestiques et complétait avantageusement son travail par divers transports à l'aide de ses deux chevaux. La mairie de Luneray le sollicitait régulièrement, comme son collègue charbonnier M. Arthur Collé, pour qu'ils assurent, tous deux, les transports nécessaires pour toute la population et ceux de la commune.

      C'est ainsi qu'en cette matinée du 6 juin 1944, l'emploi du temps de mon père s'est soudainement transformé par le refus impératif des allemands à laisser les agriculteurs pénétrer dans leurs champs ! Son adaptation a été rapide, en reportant ses activités sur des transports de matériaux.

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LES SUITES DU DḖBARQUEMENT DU 6 JUIN 1944

     Dès le lendemain, nous retrouvons le chemin de l'école. Des exercices physiques ont été prescrits par les autorités académiques pour se cacher sous nos bureaux en cas de bombardements de proximité. Ils consistent, sous un coup de règle retentissant de notre instituteur, à laisser nos affaires d'écolier et de se mettre en position d'attente sous notre propre bureau. Des répétitions ont lieu régulièrement. Avec mon insouciance juvénile, je prends ces exercices avec sérieux, mais je ne peux m'empêcher de regarder en levant la tête vers l'extérieur.

      Les jours passent et nous nous tenons informés sur l'évolution des combats et les avancées des troupes alliées en diverses directions. Le nombre de morts se comptent par plusieurs milliers et régulièrement des bilans s'alourdissent et nous effraient ! Cette libération nous apparaît plus lente que prévue et les progressions des armées sont également moins rapides que le prévoyaient les États Majors. Nous apprenons aussi que le bocage normand délimité par de nombreuses haies en retarde considérablement les avancées des troupes américano-anglo-canadiennes et du prestigieux commando français du Commandant Keiffer. Toutes nos conversations d'écolier sont axées sur les reconquêtes de territoire national et l'on se familiarise vite avec un langage que nous n'avions pas l'habitude de pratiquer. Des tensions sont beaucoup plus vives avec les troupes d'occupation et notamment les armées de SS qui arrivent, en nombre, et traversent nos villages pour se rendre en Basse Normandie pour renforcer les troupes combattantes allemandes. Des rappels à la sagesse sont promulgués envers les écoliers pour ne pas provoquer de tensions qui pourraient générer de désobligeantes surprises avec ces soldats irascibles et acariâtres ! Dans ce contexte, nous apprenons très vite le massacre de toute la population d'Oradour sur Glane le 10 juin 1944 par les soldats de la " Panzerdivision Das Reich de la Waffen-SS." Une population sauvagement assassinée au coeur de l'église du village, où l'on dénombre 642 victimes d'hommes, de femmes, de vieillards et d'enfants. Cette abominable nouvelle nous attriste considérablement et nous invite à bien réfléchir avant de susciter des actes répréhensibles devant ces soldats prêts à ces odieuses exécutions de masse, sans aucun scrupule ou d'états d'âme !

      Quelques jours après, nous découvrons que le Général de Gaulle a posé les pieds sur le sol français dans la région de Bayeux. Il est relaté qu'il fut acclamé chaleureusement, voire ovationné par toute une population meurtrie, mais en liesse, pour rendre un hommage grandiose à ce Libérateur de la France !

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L'incomparable sauveur de la France : Le Général Charles de Gaulle

      Les jours se succèdent et nous apportent un flot d'informations assez discordant. Au compte des bonnes nouvelles, ce sont des progressions plus lentes que prévues, mais qui permettent d'entrevoir une libération de toute la Normandie dans de cours délais. Au niveau des mauvaises, ce sont surtout les nombres de morts qui ne cessent d'augmenter et qui endeuillent considérablement de nombreuses familles à travers le monde. A l'analyse des faits, celles qui nous attristent encore passablement, ce sont les destructions massives des habitations et des locaux sur des pans entiers de l'activité économique du pays ! En effet, quelques rares photos surgissent dans les presses pour illustrer l'état des villes et des bourgades. Elles sont significatives  et parlent d'elles-mêmes. Ce sont des tas de ruines qui s'empilent au coeur des cités ? Ces piètres spectacles suscitent la désolation. Il faudra beaucoup de temps et de courage pour rebâtir et panser les plaies de cette affligeante Seconde Guerre mondiale 1939-1944, partout dans le monde.

    Parmi les nouvelles encourageantes et bienvenues depuis le début de l'intervention des Alliés sous le commandement en chef du Général américain Eisenhower, ce sont les ralliements massifs de tous les "Résistants français" pour leurs contributions et participations à la libération de leur territoire national. En effet, ces vaillants et courageux "soldats de l'ombre", appelés "maquisards" vont intervenir dans divers secteurs pour contrecarrer les desseins de l'occupant et retarder considérablement l'arrivée de troupes allemandes de renfort. Leurs actions se révèlent très efficaces et positives avec la destruction des voies ferrées, des ponts, des lieux stratégiques, des routes, etc. Certains n'hésitent pas à s'exécuter dans des combats rapprochés avec les assaillants ou endommager volontairement des axes routiers pour en interdire la circulation. Bref, ce sont nos sujets de conversation durant ces longues semaines d'attente d'une libération qui tarde à venir dans notre région.

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Des milliers de jeunes résistants français lors de la guerre 39-45

      Le mois de juin touche à sa fin et les perspectives de Grandes vacances s'entrevoient pour le 14 juillet et rejouissent les écoliers. La résistance des troupes allemandes s'avère plus âpre que prévu. La progression terrestre des armées alliées est perceptible et des villes stratégiques ont été reconquises, mais il reste encore beaucoup à faire. Un certain retard s'enregistre sur les plans échafaudés par les autorités militaires. En revanche, les raids de l'aviation alliée sont sans cesse plus nombreux et leurs bombes occasionnent des destructions massives en plein centre des villes ou en rase campagne.

      A titre anecdotique, je revois fort bien la chute d'une bombe sur la ligne de chemin de fer près du silo à blé de Luneray. Il est environ 16h, lorsque notre Maitre d'école actionne sa régle pour que la classe se sécurise sous chaque bureau. Et d'ajouter que ce n'est pas un exercice car c'est la présence de deux bombardiers qui survolent la commune, à faible attitude. De peur, nous nous exécutons sur le champ. Etant toujours bien placé près de l'unique fenêtre, je jette un oeil furtif et constate la descente d'une bombe sur un trajet parabolique tandis que l'avion continue sa trajectoire. A la fin et lorsque l'on retrouve sa place, je révèle cela à tous mes camarades de classe et leur décrit la scène dans les moindres détails. En retour, je me fais réprimander gentiment par M. Périmony par une observation de circonstance. Toutefois, il leur confirme mes propos justement rapportés, car lui-même en a été aussi un témoin oculaire.  Dès la fin des cours, nous galopons en direction du silo pour découvrir les méfaits de ce bombardement. A une distance respectable de 100 m. environ, les soldats allemands nous en interdisent l'accès. L'on aperçoit au loin l'un des rails sectionné et qui se relève en l'air. En contournant par le cimetière sud, nous apercevons mieux le sectionnement des deux rails au milieu d'un trou béant de 6 à 7 mètres de diamètre. Voici en quoi se résume "nos grands faits de guerre" et le plaisir à les rapporter plus de 72 années après.

      En revanche et beaucoup plus sérieusement, d'autres faits plus dramatiques se sont déroulés dans notre région du Pays de Caux et furent occasionnés principalement par la chute au retour d'avions sans pilote allemands, que l'on dénomme les "V 1" ! En effet le 16 juin 1944, la commune d'Auppegard s'est trouvée fortement endeuillée par l'explosion d'un V1 en retour de l'Angleterre et qui s'est crasché près de l'église du village. Il est de bon matin et les ouvriers partent travailler. Devant la chute de cet engin inconnu, une quinzaine de jeunes se précipitent pour constater les dégâts et découvrir cet avion dont on parle tant. A peine sont ils arrivés qu'un détendeur fait exploser l'appareil et cause la mort de quatorze jeunes gens pour la plupart. La nouvelle se propage et des consignes de prudence sont émises pour que de tels faits ne se reproduisent à l'avenir.

La bombe volante V1 direction l Angleterre du site V1 Ardouval le Val -Ygot      

La reproduction à l'identique d'un V1 sur le site du Val Ygot à Ardouval en Seine Maritime

       A l'appui de faits similaires causés par la reconquête de notre territoire normand, il me faut encore retracer douloureusement les destructions massives dans notre département de la Seine Inférieure (actuelle Seine Maritime). La capitale normande de Rouen est un passage obligé des troupes alliées, avec le franchissement de la Seine, pour reconquérir le Nord de la France. Cette ville d''art, si accueillante, a subi de graves bombardements près des rives du fleuve notamment et a bien été défigurée à ses alentours. Celle du Havre s'est trouvée sacrifiée et a connu les pires outrages de cette guerre aérienne. Pour des raisons qui restent encore inexpliquées, les terribles bombardements des aviateurs américains l'ont totalement rayée de la carte. Près de trois mille victimes innocentes ont payé un lourd tribut sous le poids de ces bombes meurtrières et la ville toute entière a été complètement réduite en ruines et anéantie. Bien d'autres sites ont connu de faits comparables et ont été endeuillés en nombre moindre, mais cependant très significatifs.

      Au fil des semaines, toute notre attention journalière se porte sur les évolutions de reconquête du pays par les troupes alliées. Le moral de toute la population est enclin au beau fixe, mais avec certaines réserves cependant, car la libération tant espérée se fait encore bien attendre. Dès la mi-juillet, nous retrouvons nos habitudes de vacances. Les miennes consistent principalement à aider mon père dans quelques menus travaux à hauteur de mon âge. Toutefois, les maigres moissons ont débuté, car peu ou pas entretenues durant l'année, et vont livrer de faibles rendements. Après leurs mises en gerbes et regroupées en "villottes" dans les champs pour assurer leur séchage ; les cultivateurs autorisent les enfants au glanage des fétus et leurs épis laissés sur le sol. Ce sont de véritables parties de plaisir car tous nos camarades se retrouvent dans la plaine pour joindre l'utile à l'agréable ! Ces précieuses mannes seront ensuite utilisées pour faire du bon pain blanc et améliorer l'ordinaire.

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LE DḖBARQUEMENT DE PROVENCE DU 15 AOÜT 1944

     A l'écoute de quelques brèves informations relayées par les presses, nous apprenons le débarquement des troupes françaises et alliées sur les côtes méditerranéennes entre Toulon et Marseille. Ce second front a pour mission de remonter les rives du Rhône en direction de Strasbourg et d'encercler en tenaille les armées allemandes. Le commandement en a été confié au Général français de Lattre de Tassigny.

Le général de Lattre en 1946.  

Le Général Jean-Marie de Lattre de Tassigny

      Cet homme à la réputation de fin tacticien apparaît comme celui le mieux aguerri pour mener à bien ces opération et reconquête. A ces titres, notre oncle Jules Ducastel, parrain de mon épouse Colette et militaire de carrière, participe activement à cette marche sur Strasbourg. Agé de 28 ans, en pleine force physique, il s'honore d'avoir servi sous ses ordres et en tire une légitime fierté. Par ailleurs, le Général sera bénéficiaire du soutien et des actions militaires des "précieux maquisards" qui pour un grand nombre d'entre eux, payèrent de leur vie leurs engagements contre l'ennemi ! Toutefois, cette nouvelle est la bienvenue car nos esprits de gosse projettent une accélération plus rapide de la libération de la France, en attaquant sur plusieurs fronts et en mettant en difficultés et péril les belligérants adverses. A terme, cette opération militaire lancée par les États-Unis d'Amérique et avec leur concours se révélera payante et bénéfique.

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      Les forteresses volantes alliées passent régulièrement au dessus de nos têtes à haute altitude et vont en direction de l'Allemagne pour bombarder des sites militaires stratégiques. Pourtant, les villes se trouvent détruites totalement, pour les annihiler à l'état de décombres indescriptibles..., et dont nous en aurons connaissance que beaucoup plus tard et à la fin de la guerre. Toutefois et depuis peu, ces mêmes bombardiers attaquent des sites français bien ciblés. Avec mon père dans la plaine pour effectuer des travaux agricoles, ils nous arrivent de visualiser régulièrement ce genre d'attaques sur les rampes de lancement des V1. Beaucoup se trouvent implantés près de chez nous, à peu de distance ! Les services de renseignement alliés en ont détectés les lieux d'implantation et se livrent à les détruire par des bombardements intensifs, efficaces et réguliers. Ils les visent et lâchent leurs bombes, précédées de feuilles argentées qui guident les aviateurs sur les cibles à atteindre. Au soleil couchant, cette multitude de bandes tournoient et virevoltent dans le ciel lors de leur descente et donne un aspect féerique au spectacle.

               

  La vision des formations aériennes telles qu'elles nous apparaissaient.  

         

    Des B17 volant au-dessus de la France et de l'Europe occupée en 1944

      Ainsi, ce sont les visions ci-dessus qui retiennent notre attention au cours de ces mois d'été 1944. Par ailleurs, nos vacances se trouvent principalement accaparées par l'avancée des armées alliées en diverses directions, mais dont l'objectif majeur reste la libération de Paris. Après que les États Majors en eurent arrêtés les conditions et en accord avec le Général de Gaulle, ce sont les troupes françaises du jeune Général Leclerc qui sont chargées de mener ce combat et d'assurer la libération de la capitale.

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Le Général Philippe Leclerc de Hauteclocque

      La ville de Paris se trouve libérée le 25 août à la plus grande joie du peuple français et sous les ovations d'une foule en délire. La capitale a été épargnée d'une reconquête guerrière et meurtrière. Ses principaux édifices et monuments célèbres ont été sauvegardés d'une destruction annoncée et redoutée, par la volonté tenace du Général allemand Dietrich von Choltitz, Gouverneur militaire du Grand Paris, face aux exigences répétées du Fürher Adolphe Hitler. Il résiste jusqu'au bout et livre un Paris non défiguré et précieusement intact à son homologue français le Général Leclerc, lors de sa capitulation et celle de ses armées d'occupation sur la Capitale.

Description de cette image, également commentée ci-après

La libération de PARIS : Défilé sur les Champs-Élysées, le 26 août 1944.

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      Les avancées s'effectuent un peu partout et quelques jours plus tard, c'est à notre tour de connaître la délivrance de l'occupant dans la commune de Luneray et aux alentours le 1er septembre 1944. Cette libération spécifique de notre village normand pourra éventuellement se trouver rapportée, tant elle est aussi conservée précieusement dans ma mémoire !

      Ainsi s'achève le descriptif de ce mémorable "Jour le plus long" que reste le Débarquement du 6 juin 1944 par les valeureuses troupes Alliées ! Au delà de cette journée, j'ai souhaité le compléter, de façon lapidaire, par quelques anecdotes vécues. Il s'étale sur une période de trois mois et jusqu'à la libération de notre territoire.

      Toutefois, la guerre continue pour assurer celle de toute l'Europe et vaincre le régime nazi qui l'a ensanglantée et endeuillée de quelque cinquante millions de morts. Elle va durer encore près de neuf mois pour connaître le soulagement définitif lors le l'Armistie du 8 mai 1945 !

Bernard Morel - Ecrivain

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