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LES PUBLICATIONS DE BERNARD MOREL
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LES PUBLICATIONS DE BERNARD MOREL
19 décembre 2020

SOUVENIRS DE RÉDACTION DE CARTES DE VOEUX

   

                     SOUVENIRS DE RÉDACTION DE CARTES DE VOEUX !

 

                   LES PREMIÈRES MESSES DE MINUIT APRÈS GUERRE !

 

                                                      ******

 

                    Aux membres de ma famille et mes Meilleurs Amis !

 

      Nous rentrons dans une période propice à la transmission de Vœux pour la Nouvelle année et elle me rappelle de lointains souvenirs qui ne se sont jamais effacés de ma mémoire de jeune gosse ! En effet, je peux certifier que dès que  j'ai été en capacité d'écrire correctement, mes adorables parents m'ont toujours demandé de rédiger leurs cartes de vœux pour la famille ! C'était un rituel de fin d'année et je m'y employais avec beaucoup d'empressement, de sérieux et avec toute une calligraphie appréciée ! Il faut admettre que mes premières leçons d'écriture se sont révélées de très bonne qualité et que je n'ai cessé de les améliorer durant ma prime jeunesse.

      L'histoire commence donc dans le courant décembre 1939 et je viens de prendre mes tous jeunes sept ans le mois précédent. La Seconde guerre contre l'Allemagne se prolonge depuis cinq mois, dans une guerre de position et hante tous les esprits. Beaucoup d'hommes sont mobilisés et mon père avec ses quatre enfants est affecté dans la Défense passive à Bois-Guillaume en Seine Inférieure. A la fin octobre, les cultivateurs bénéficient d'une permission de huit jours pour ensemencer leurs blés d'hiver. Au cours d'une manipulation d'un sac de 100kg de blé sur un escalier en pierre, rendu glissant par la pluie, il se fracture la cheville du pied gauche et est hospitalisé à l'hôpital militaire de Dieppe. Notre vie est complètement bouleversée avec l'absence du Chef de famille. Il faut réorganiser nos emplois du temps pour aider notre méritante mère à la gestion de la petite fermette. En visite avec elle voir mon papa, il m'indique qu'il faut bien aider maman du mieux que je peux ! Puis un peu plus tard, mes chaleureux parents me recommandent d'écrire les futures cartes de vœux avec ma belle écriture. Ton bon travail soulagera ta gentille mère dans son imposant travail qu'elle doit accomplir quotidiennement. Je te le promets mon cher Papa et t'assure que je l'aiderais de mon mieux avec mes sœurs.      

      Tous deux m'indiquent sur un brouillon ce qu'il me faudra inscrire. Ils me donnent les adresses et le nombre de cartes nécessaires en faisant bien attention de modifier les prénoms et noms des récipiendaires. Dès lors, c'est ma gentille maman qui veille sur mes écritures et intervient si un besoin se fait sentir. Elle commence par me dire de tracer des lignes au crayon mine pour aller bien droit et que çà soit le plus propre possible. Aussi, je m'acquitte de ce petit travail préalable sur la dizaine de cartes à envoyer. Puis, il me faut recopier fidèlement son modèle et très vite je constate qu'il sera toujours le même d'une année sur la suivante ! Certes, au fil des ans, leurs rédactions évolueront sensiblement ou quelque peu, mais la trame générale sera presque indélébile et la retrouverai pratiquement tous les ans. Elles furent tant ancrées dans ma petite mémoire de gamin que je les restitue intrinsèquement et sans l'ombre d'aucune difficulté. Aussi, je prends plaisir à en retracer le début car il s'inscrivait toujours ainsi :

 " A l'occasion de la nouvelle année, Henri et Berthe vous souhaitent
    une bonne et Heureuse Année, ainsi qu'une bonne santé.
    Hélas, Henri est toujours hospitalisé à l'hôpital de Dieppe et ils ne
    parlent pas de sa sortie. Les enfants vont bien et m'aident beaucoup.
    De mon côté, la vie est très difficile car je dois m'occuper de tout et
    lui rendre visite régulièrement. Nous vous espérons en pleine forme.
    Ils formulent des vœux pour que la Nouvelle année 1940 permette
    des jours meilleurs et surtout la fin de la guerre avec les Allemands.

    Enfin, ils comptent bien vous rencontrer dès qu'apparaîtront les beaux
    jours du printemps. Toute la famille vous embrasse bien. Berthe et Henri."     

       Chaque année et à pareille époque, je me trouvais confronté à ce genre d'exercice et l'accomplissais avec beaucoup d'empressement et de plaisir. Effectivement, je savais par avance qu'il serait apprécié par mes parents, voire par les récipiendaires, qui n'omettaient pas de me féliciter lors des rencontres à la maison au cours de la nouvelle année. Ils clamaient tous mon bon travail soigné et la superbe écriture qui les fascinaient tous ! Ce travail s'est répété durant une dizaine d'années, puis il s'est trouvé allégé par la participation de mes sœurs qui, peu à peu, en écrivaient des plus personnelles et cela me soulageait assurément.

      Des souvenirs que je prends plaisir à restituer..., tant ils évoquent des périodes familiales chaleureuses de Noël, même durant la triste dernière guerre où toutes les messes de minuit étaient interdites et supprimées. Ces dernières ne furent rétablies qu'en décembre 1944 alors que notre région de Normandie avait été définitivement libérée vers les premiers jours de septembre de la même année. Quelles ne furent pas nos joies enthousiastes d'assister à cette belle première messe de Minuit en l'église Saint Rémi de Luneray. Une assistance accrue de fidèles remplissait toute la splendide nef toute illuminée ainsi que ses deux bas côtés et cela donnait un caractère exceptionnel à cette nouvelle cérémonie religieuse. L'abbé Chanoine Létournel célébrait une remarquable messe en latin faite de chants grégorien très connus...,à laquelle j'assistais en qualité d'Enfant de chœur et où mes parents et sœurs occupaient leurs places réservées au milieu de la nef centrale. Bref, tout était conçu pour nous réjouir, dont la brillante interprétation du merveilleux chant du "Minuit chrétien" par l'apprécié Chantre Lucien Lemarchand.

      Dans cette assistance très attentionnée et recueillie, l'on distinguait de nombreux soldats américains G.I. stationnés dans l'attachante commune de Luneray depuis le début décembre, dont le sergent Paul Healy et d'autres sous officiers et officiers qui suivaient avec aisance cette messe tout en latin ! De cette aventure, il restera qu'une amitié profonde et incomparable survivra à leur passage de cinq mois dans la commune normande, pour une amitié qui se prolongera très solidement et fraternellement durant 63 années sans l'ombre de la moindre faille : Du jamais enregistré de mémoire d'homme ! Cette merveilleuse histoire s'est achevée le 27 décembre 2007 avec sa mort qui nous a attristé profondément ! Aujourd'hui, toute la famille Morel l'évoque très régulièrement et prend plaisir à relire le poème intitulé :" L'histoire du soldat et du petit garçon" que j'ai écrit avant de partir aux U.S.A. en 1982. L'ayant très apprécié, l'ami Paul l'a fait traduire en anglais par l'un de ses amis le Père Albert, prêtre bénédictin, que nous avons reçu durant quinze jours et qui parlait superbement le français ! Depuis 1995, cette traduction trône dans notre entrée et chacun à tout loisir d'en prendre connaissance. Une belle photo "du G.I. Paul Healy et du petit garçon Bernard" jouxte le poème.

      L'office religieux se prolongeait jusqu'à une heure trente à la satisfaction des nombreux fidèles. Dès lors, il nous fallait revenir à la maison, à pied durant un kilomètre et quelque soit la météo du moment. A cette époque, les Noëls étaient plus froids ou bien enneigés que ceux d'aujourd'hui et nous les supportions plus facilement, du fait de notre prime jeunesse. Cependant, nous devions presque courir pour suivre les marches alertes de nos parents, afin de retrouver la chaleur ambiante au feu de bois de notre maison, au plus vite.

       Au retour à la maison, notre talentueuse maman " Cordon bleu renommé " qui avait préparé tout un délicieux petit réveillon, s'activait à faire réchauffer ses plats élaborés pendant que les enfants mettaient la table et le brave papa amenait ses bouteilles de très bon cidre bouché et en débouchait la première. Bref et avant de se mettre à table, il fallait satisfaire au rituel traditionnel classique..., la découverte des modestes petits cadeaux que le Père Noël avait apporté durant la messe de minuit ! Papa avait dressé un genre de Sapin de Noël à l'aide d'une grosse branche d'épicéa que nous avions décorée rudimentairement. Les quatre enfants avaient déposé une paire de souliers - galoches ou leurs chaussons afin que l'homme, aux opulentes chevelures et barbes blanches, les dépose dans chaque soulier. Bien sûr, nous avions pris soin de mettre une paire de souliers de nos valeureux parents afin qu'ils participent à la générosité de ce personnage venu tout droit du ciel et intervenant par les cheminées ! Le tout donnait un semblant de nos sapins d'aujourd'hui, mais les remplissages n'avaient aucune comparaison avec ceux que nous découvrons actuellement ? Certes, ils étaient un peu plus garnis que ceux des quatre ans de guerre, mais ils restaient malgré tout bien modestes car les financements l'étaient aussi. Toutefois et alors qu'ils se résumaient à un fruit (pomme - poire) et un sucre d'orge et quelques bonbons aux chocolats..., assortis d'un petit accessoire jouet ou tenue vestimentaire durant les cinq ans de guerre ; ceux de décembre 1944 bénéficiaient des oranges - mandarines et clémentines des pays producteurs. C'était la première fois que nous dégustions ces fruits très appréciés et qui nous avaient fait défaut précédemment. En revanche, le sucre d'orge continuait de satisfaire la plupart des familles, car c'était l'élément premier et indispensable pour fêter Noël ! Enfin, les cadeaux matériels étaient plus diversifiés et un peu plus élaborés, voire plus raffinés en fonction des âges qui allaient vers l'adolescence. Ils s'offraient surtout pour une meilleure utilisation de tous les jours. Ces découvertes étant accomplies à la satisfaction de chacun et, les remerciements sincères et d'usage exprimés par tous, le gentillet rappel à se mettre à table était enfin venu.

             Notre attachante maman Berthe, véritable "Cordon bleu" qui a façonné    de délicieux petits réveillons au sortir de la Dernière Guerre mondiale.

       A ce moment précis, tout le monde prenait sa place pour déguster les excellents mets, dont un toujours nouveau, voire inconnu ! Notre étonnante maman aidée de notre sœur aînée Marie-Thérèse, nous amenaient leur dernière création. Au fil des Ans, nous avons pu ainsi découvrir des plats comme des : Bouchées à la reine - Tomates farcies - Coquilles Saint Jacques - boudins blancs truffés en entrées; puis un lapin aux pruneaux ou un ris de veau comme plat du jour et une Ile Flottante (spécialité maman) ou une corbeille de fruits aux ananas (inconnue) comme dessert..., etc. etc.. Toutes ces nouveautés nous ont séduites et enflammé nos palais, tant elles ont été savoureuses et alléchantes ! Bien d'autres découvertes sont encore apparues au fil des cérémonies festives de toute nature et c'est ainsi que l'on peut certifier que nous avons connu les plus hauts niveaux de la gastronomie française ! Par ailleurs et suivant une tradition bien établie que nous avons créée, à partir du dessert, nous réclamions à notre charmant et talentueux chanteur ténor léger Papa de nous interpréter de beaux chants de Noël, tant nous les aimions et tant il les chantait remarquablement bien de sa belle, limpide et puissante voix qui nous séduisait profondément.

 

      Notre Père Henri dans ses avancées lyriques lors de nos petits réveillons familiaux des années 1944 - 1945 - 1946 et 1947

      Nous garderons des souvenirs indélébiles et joyeux des trois premiers Noëls 1944 - 1945 et 1946, car celui de décembre 1947, conçu à l'image des précédents, nous révélera une atroce nouvelle ? En effet et alors que nous partions pour la messe de minuit, notre gentil papa qui fermait toutes les portes, va uriner douloureusement et constate la présence de sang dans ses urines. Il s'en confie à maman Berthe discrètement afin de ne point éveiller nos soupçons et nos craintes. Toutefois, l'ambiance au retour est beaucoup plus grave et nous nous en apercevons, sans mot dire ! Aux examens cliniques qui suivront et sanctionneront une nécessaire opération de son rein gauche, succèdera une évolution dégressive rapide qui se traduira par sa mort le  13 avril 1948, à l'âge de 48 ans célébrés trois jours auparavant dans la discrétion, à la totale désolation de toute la famille Morel. Cet homme estimé, ce mari enjoué et chaleureux père de quatre enfants aimait profondément les siens et la vie. Toutefois, le rituel du réveillon du Noël 1947 a respecté la tradition des trois précédents mais l'atmosphère était discrètement plus grave et beaucoup plus soucieuse ! Néanmoins, il a encore chanté de nombreux chants de Noël dont "Petit Papa Noël" sorti trois années auparavant en 1944, puis vulgarisé à travers le monde en 1946 par Henri Martinet un compositeur et chef d'orchestre français de réputation internationale.

      Afin d'être tout à fait complet sur ces petits réveillons d'après guerre, nos retours des messes de minuit, les découvertes de nos cadeaux dans nos chaussures bien cirées et astiquées, pour finir par ces savoureux repas préparés par notre attachante maman Berthe et le régal des chants de papa Henri..., nous avions institué un rituel qui se répétait chaque année avant d'aller se coucher vers trois heures du matin. Il se résumait en une savoureuse dégustation d'un très bon chocolat au lait chaud confectionné par maman et Marie-Thérèse et que nous avalions avidement, tant nous en avions été privés durant la guerre. Ce sont ces petits souvenirs d'enfance qui me sont agréables à faire revivre, tant ils me rappellent encore la très chaude ambiance familiale au milieu de nos chers Parents chaleureux et tant aimants !

      Huit mois après, celui de Noël 1948 sera profondément marqué par l'absence de l'Etre bien aimé Papa et nos pensées ne le quitteront pas de la soirée ! Toutefois, notre éprouvée Maman Berthe, très chrétienne, a souhaité que nous respections les rites de l'église catholique et assistions à la messe de minuit en l'église de Luneray. Et de concert avec ses quatre enfants à ses côtés, elle a souhaité qu'une petite cérémonie familiale discrète soit organisée dans l'esprit précédent en hommage à notre papa défunt. Le même rythme et le semblable déroulement ont eu lieu gravement, sans aucun rire et en l'absence de toute chanson. Outre sa présence physique qui faisait totalement défaut ; c'est aussi sa très belle voix exprimant de merveilleux chants de Noël qui n'était plus là pour nous captiver et nous enthousiasmer ! Très unis tous les cinq, nous avons respecté les consignes de circonstance..., dans l'esprit que nous avions forgé, mais à l'image de personnes esseulées. Ainsi va la vie avec ses moments de joie, beaucoup trop rares et que nous ne savons pas toujours apprécier à leurs justes valeurs et, des passages extrêmement graves et attristants qui nous entravent profondément pour toute une vie ! Ce Noël 1948 restera parmi le plus sombre de toute notre vie. 

 

          Photo prise sept ans après le décès de papa en présence d'Avit, frère aîné de maman             sa femme Hélène, de mes sœurs Marie-Thérèse – Anne- Marie - Antoinette et fiancée Colette.

      Au delà, la vie reprendra ses droits peu à peu, mais la blessure résistera à tous les aléas qui se dresseront sur notre route. Aujourd'hui encore et dans cette trêve hivernale, mes parents me fixent et me regardent constamment dans mon bureau, où j'occupe une place importante chaque jour. Ils m'ont marqué pour toujours et je leur exprime ma profonde reconnaissance. Dans une citation première, j'écrivais : "Notre raison d'Etre ne se justifie que par ceux qui nous ont précédés". Elle est toujours de circonstance et lorsque je l'exprime encore, c'est à mes exceptionnels Parents que je pense et que je m'adresse ! Tous mes vifs sentiments filiaux leur sont sans cesse renouvelés.

      Alors qu'il me serait encore loisible d'en écrire des pages et des pages sur cette riche période de ma prime jeunesse, je ne veux me contenir que dans les deux thèmes évoqués en avant première, à savoir ceux de la rédaction des cartes de vœux pour mes parents, puis les premières messes de minuit et leurs retours à la maison parentale ! Je me suis attaché à en restituer l'essentiel, en m'efforçant d'y apporter le maximum d'éléments qui ont resurgi dans ma petite tête, pour attentionner tout lecteur en quête de petites anecdotes au cours de la Seconde Guerre mondiale de 1939 - 1945.

      Puisse chaque lecteur Ami et mes proches ainsi que tout lecteur attentif, y redécouvrir avec intérêt et émotion ce que furent les difficiles années de guerre durant cinq ans ; puis l'ambiance joyeuse et discrète au moment des Fêtes nouvelles de Fin d'année dans notre Nouvelle France recouvrée ! Bonne et instructive lecture à tous !                                        

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      La dernière belle carte de voeux de ma cousine Antoinette Morel adressée à mes parents Henri et Berthe, ses oncle et tante en janvier 1935. Une très belle jeune fille, agréable et intelligente, de 23 ans qui succombera cinq mois plus tard de la tuberculose, aux regrets de toute sa famille éplorée par un immense chagrin.

Antoinette_2

 Remarquable chef d'œuvre de carte pour l'époque des années trente

      En mémoire à ma charmante cousine Antoinette Morel que j'ai connue, à peine et très peu, mais où son visage m'a fasciné au travers de quelques rares photos de l'époque et, que les récits nombreux m'ont permis de mieux connaître sur sa très jeune existence !

      Son décès à l'âge de 23 ans résultant de la mortelle épidémie de la tuberculose dans les années trente et qui succédait à celle ravageuse de la "grippe espagnole" des années 1918 - 1920..., nous rappelle aussi combien ces deux pandémies ont fait de véritables mortalités à travers le monde et notamment dans la jeunesse. Sa disparition a profondément affecté toute la famille, inconsolable et meurtrie !    

 

                                                        Bernard MOREL

                                               Epistolier sensible et réaliste



 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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