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LES PUBLICATIONS DE BERNARD MOREL
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LES PUBLICATIONS DE BERNARD MOREL
13 avril 2008

ÉMOTIONNEL ANNIVERSAIRE

LE DÉCÈS DE MON IRREMPLAÇABLE PÈRE

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Il est des périodes sombres de notre vie qui restent bien gravées dans nos mémoires. Certaines resurgissent avec plus d'acuité au cours de dates très ponctuelles. C'est le cas présentement à la mi-avril. Davantage encore en cette année 2008, puisqu'il s'agit du soixantième anniversaire de la disparition d'un Être cher, le décès de mon irremplaçable papa Henri MOREL.

Papa_Henri_1

Photo unique de mon père Henri MOREL

Un double anniversaire devrais-je dire puisque l'homme était né le 10 avril 1900 et avait donc vu le jour à l'orée du XXème siècle. Hélas, tout juste 48 ans après, le mardi 13 avril 1948, c'est dans une profonde et incommensurable tristesse qu'il nous fallait enregistrer son décès. Il faisait suite à une redoutable maladie que nous appréhendons tous. Il s'est éteint paisiblement vers 12h30 en nous fixant longuement. Sa mort survenait trois semaines après l'ablation de son rein gauche, ravagé par un terrible cancer sournois.

Le Papa riait à la vie ! Une vie pourtant bien écourtée, où son existence fut parsemée d'indélébiles blessures.

Comme la plupart de ses congénères et durant la première moitié du XXème siècle, leur existence sera marquée sous le sceau de l'austérité et de l'inquiétude. Les générations de ces classes laborieuses ne sont guère épargnées. Leur prime jeunesse est vécue dans le spectre de la guerre et s'accomplit sous de rudes conditions de vie pour ces terriens désargentés. A l'âge de quinze ans, c'est son premier traumatisme avec la mort de son frère Pierre tué le 06 avril 1915 au Champ d'Honneur lors de la Guerre 1914 - 1918. Un deuil aussi terrifiant que cruel qui attriste toute sa famille. Ses parents et lui-même doivent assumer ce drame dans la peine et le recueillement. En 1918, à son tour, il appréhende son incorporation pour rejoindre le front à cause de cette désastreuse guerre qui s'éternise !

Au cours des années vingt, les ressources familiales sont précaires. En effet, l'agriculture est en proie à un marasme économique qui sévit à travers le monde. Il succède à son père sur la modeste "bricole" et la rentabilité s'avère bien faible. Les revenus fermiers sont au plus bas et il est bien difficile de vivre.

A la fin de la décennie, son destin se trouve ébranlé par une nouvelle épreuve. En effet, sa brave maman Victoria s'éteint le 1er octobre 1928, au terme d'une laborieuse vie et épuisante existence. Elle décède dans ses bras et il se trouve très affecté par la mort de cette femme qu'il chérissait plus que tout. Un grand vide qui s'estompera quelques instants à l'occasion du mariage de son meilleur ami Henri Le Dorré. Acceptant d'être le témoin, il décline l'invitation d'assister au repas de noces. Pourtant, il finit par accepter de venir prendre le dessert dans la discrétion. Assis près de Berthe, soeur de la mariée, l'heureuse rencontre avec l'accorte femme et leur enrichissant dialogue favorisera une idylle naissante. Tout juste un an après, ils scelleront leur destinée par un mariage le 28 septembre 1929.

Leur union se trouve célébrée en pleine tempête économique. Les affaires vont au plus mal et la Bourse mondiale enregistre quotidiennement d'incessantes perturbations. A peine viennent-ils d'emménager dans la modeste demeure du corps de la fermette, que le couple se trouve confronté aux agitations qui touchent l'économie française. Au cours du redoutable "Jeudi noir" du 24 octobre 1929, tout le monde assiste avec désolation au fameux crash boursier ! C'est dans ce déplorable contexte que ne pouvait plus mal commencer leur vie conjugale.

Bernard_famille_3

Unique photo familiale de l'heureux temps - 1945

Cependant, la décennie des années trente va leur apporter le total bonheur familial avec la naissance d'une fratrie de quatre enfants. Certes, aux côtés de leurs adorables enfants Marie-Thérèse, Bernard, Anne-Marie et Antoinette qui les comblent dans la plénitude ; de ténébreux orages s'amoncellent au niveau de l'Europe. A nouveau, le spectre d'une Seconde Guerre mondiale envahit les esprits. A peine viennent-ils de surmonter les épreuves de la crise de 1936 qui a affecté toutes les nations européennes, qu'un redoutable conflit se profile contre l'Allemagne nazie.

Malgré ses 39 ans et ses quatre enfants, le ère de famille se trouve mobilisé à Bois-Guillaume en Seine Inférieure pour assurer la défense passive. Il rejoint donc son casernement. Au cours d'une permission agricole en novembre pour semer les blés d'hiver, il chute dans un escalier de pierre en transportant un sac de 100 kilos de graines de semence et se fracture le tibia gauche. Une hospitalisation au pavillon militaire de Dieppe qui dure jusqu'à l'arrivée des troupes allemandes. Peu de temps avant, il réussit à se faire démobiliser en mai 1940, puis va vivre ensuite de façon impuissante quatre années d'occupation. L'on peut mieux percevoir que la destinée du papa Henri n'a pas été des plus heureuse jusqu'à cet instant précis.

Cependant et après ces difficiles années laborieuses, douloureuses ou de privations, notre brave papa Henri va connaître une meilleure période. Avec sa dévouée épouse Berthe toute attentionnée et ses quatre enfants, le bonheur peut enfin s'envisager, sans être absolu. Les voir grandir en sagesse et accomplir des bonnes études sérieuses et studieuses le comblent totalement. Des années au cours desquelles les veillées et les dimanches lui procurent d'énormes satisfactions dans l'intimité familiale. "Ces années de bonheur comme il se plaisait à le préciser". Malgré les difficultés d'approvisionnement, le couple va mettre tout en oeuvre pour assurer un chaleureux accueil aux familles lors de la célébration de la Communion solennelle de ma soeur Marie Thérèse et moi en juin 1943. La bien modeste photo ci-dessous, dont l'opérateur inconnu semble mal maîtriser la technique de prise de vue, l'a malencontreusement coupé en deux ? Toutefois, elle atteste bien de cette journée merveilleuse dont il se réjouissait. Quant à lui, il n'aura jamais connu l'usage d'un appareil photographique, pour n'en n'avoir jamais possédé. Ces trois seules et modestes photos retrouvées par miracle, témoignent bien la pauvreté de l'époque.

Bernard__10_ans_en_communiant

Photo souvenir de notre Communion solennelle

Et puis, c'est enfin la libération de notre Pays et de sa chère commune de Luneray à laquelle il était viscéralement attaché. Dès lors, tout le monde renaît à la vie. Lui-même retrouve son beau sourire d'antan et reprend beaucoup de plaisir à fredonner le répertoire de l'époque. Sa superbe voix de ténor léger enflamme tous les auditoires. C'est vrai qu'il chante juste pour avoir été un choriste de qualité dans la chorale de M. Boudier, au cours des années vingt. Nous aimons l'entendre changer !

Trois courtes années d'intense bonheur durant lesquelles Henri profite pleinement des joies familiales. Et puis c'est le drame avant de se rendre à la messe de minuit de Noël 1947. Dans une envie pressante d'uriner, il découvre des saignements alarmants et s'en confie à notre mère. L'on nous en informe rapidement et des inquiétudes naissent. Les examens et analyses médicales ne révèlent rien de bon et il faut se rendre à l'évidence. Une opération est projetée pour l'ablation de son rein gauche. Nous allons vivre trois semaines de cauchemar et d'insomnies pour nous préparer au drame de la mort qui fait son oeuvre en ce mardi 13 avril 1948.

Depuis soixante ans, je ne cesse de penser à cette tragédie qui mettait fin à mes rêves d'enfant et de jeune adolescent. A 15 ans, je devenais le Chef de famille et je découvrais toute l'étendue de mes nouvelles responsabilités. Il me fallait arrêter mes études pour subvenir aux ressources familiales et accomplir les travaux agricoles. Que de douloureux et pénibles souvenirs ineffaçables de ma mémoire !   

Bernard_et_cheval

Retour de travaux dans les champs - 1948 - 1956

A toi Cher Papa qui me regardes de Là-haut en compagnie de ton inégalable épouse Berthe, sachez tous deux que votre souvenir me hante chaque jour et que mes pensées filiales affectueuses tendent constamment vers vous. A ma manière, c'est le plus bel hommage que je pouvais vous offrir en ce jour de triste anniversaire, en écrivant ces succinctes et émouvantes lignes.

Votre fils qui ne cesse de vous aimer : Bernard

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